Portraits – Doriand
Pour peindre le portrait d’un chanteur
Peindre d’abord des chansons
Peindre ensuite
Quelque chose de joli
Quelque chose simple
Quelque chose d’utile…
Paraphraser Prévert pour présenter « Portraits » n’est pas présomptueux, si l’on considère que la poésie, aujourd’hui, n’est plus vivace que dans les chansons, et que les mots n’en sont pas les seuls arguments. Ainsi il s’agit ici de peindre le portrait de Doriand, auteur de chansons, parmi les plus respectés et demandé par les artistes exigeants (Auteur de l’année 2019 par la CSDEM), mais dont la carrière solo n’a peut-être pas été aussi valorisée qu’elle aurait dû par le jeu de la notoriété.
Révélé par son premier tube en 1996 « Au diable le paradis », le quadragénaire girondin affiche déjà une collection de quatre albums solo remarqués par la critique.
Mais des tubes flagrants, il en a écrit pour une pléiade d’autres artistes, de “Toutes les femmes de ta vie” pour L5 à ‘Boum Boum Boum’ ou « Elle me dit » pour Mika, en passant par Alain Bashung (deux chansons sur le récent, posthume, et « victoirisé » En Amont), Michel Polnareff (plusieurs chansons d’Enfin) mais aussi pour Camélia Jordana, Lio, Keren Ann, Sylvie Vartan, Helena Noguerra, Julien Doré, Pauline Croze, Emmanuelle Seigner, ou les adaptations en français du tube de Josef Salvat « Une autre saison » ou pour Robbie Williams…
Au départ l’idée de Doriand était de faire des relectures des chansons qu’il avait écrites pour d’autres : “Toutes les femmes de ta vie » (L5), “Les bords de mer” (Julien Doré), “Pas si facile à oublier” (Sylvie Vartan), “Non, non, non "(Camélia Jordana), “Nos âmes à l’abri” (Bashung), “Dans ta playlist” (Polnareff), et “Elle me dit” (Mika). « Ces morceaux que je chante sont réarrangés par Marc Collin, donc quand je refais “Toutes les femmes de ta vie” c’est une version un peu décalée, c’est assez produit, avec un son que j’aime depuis toujours, classique dans le sens pop du terme. »
Mais quand est née cette idée d’un disque re-créatif et récréatif, l’amitié a évidemment pris le pas sur toute autre considération : « Tous les gens avec lesquels j’écris deviennent mes amis, ce qui reste assez incroyable. Il n’y a que des amis qui peuvent venir me tendre la main sur un projet comme ça. Je ne suis pas un nom qui claque ! Ce sont des gens avec lesquels l’amitié est née en travaillant, mais qui dure dans le temps, des gens comme Keren Ann, Mika, Marc Collin, Edith Fambuena, Peter von Poehl … Ce sont des gens que j’appelle tous les jours. C’est une histoire de potes et de famille, pas seulement une amitié musicale. »
Les amis se sont donc pressés pour participer à un album d’une facture nouvelle,
qui font un sort à des chansons que Doriand avait enregistrées sur ses propres albums. Ainsi Mika revitalise “Au diable le paradis”, Keren Ann et Edith Fambuena, en duo inédit, passent la bague au doigt de “La mariée”, Brigitte déguise de grâce “Et va la vie”, Peter Von Poehl regarde par-dessus son épaule vers l’“Adolescence”, Lio obtient “Le pardon du chevreuil”, Helena Noguerra transfigure “L’Age des saisons” et Philippe Katerine donne rendez-vous ”Ici”.
« L’idée était que les artistes qui viennent chanter mes chansons le fassent sur les productions de l’époque. On a ressorti les sessions, les bandes, et je les ai fait chanter sur les productions telles qu’elles étaient sur mes albums. On a eu la chance que les tonalités tombent pile à chaque fois. La cohérence du disque se fait plus par le choix des chansons et le regard que chacun a sur elles, c’est ça le lien. C’est à chaque fois un portrait de moi, mais aussi de la personne qui la chante, c’est un échange. C’est une manière de me découvrir aussi, on redécouvre le texte quand d’autres gens que moi le chantent. »
Et puisque ce genre de projet est inédit, il lui fallait en outre un inédit.
« C’est une chanson écrite aux Abbesses avec Katerine, et égarée, puis retrouvée un peu par hasard, et après un déjeuner arrosé, on s’est décidés à l’enregistrer vingt ans après. Je la chante en trio avec Mika et Katerine, ça s’appelle “Danser entre hommes”. »
De cette relecture avisée et collégiale, il subsiste un doux parfum rafraîchissant, mais certainement pas de synthèse. « Portraits » est plutôt un courant d’air bienvenu et salvateur, qui dispense des effluves parfumés autant que chaleureux. Quelque chose comme une quintessence de pop française, assez classique mais en même temps effrontée dans son désir capricieux de tourner le dos aux sonorités tendances pour convoquer la grâce et l’harmonie des flûtes, des cordes, des bois, et des voix nues, simples et franches. Ainsi mélodies fluides et textes ciselés trouvent ici, dans cet aréopage de vocalistes complices, une évidence qui fait du bien. Qui rassure sur la possibilité d’une chanson française sophistiquée, un peu fragile dans sa féminité assumée, et pour tout dire raisonnablement sensuelle. Des chansons comme des caresses, drapées de langueurs, poivrées d’accents mutins. Les chansons de Doriand, quelque chose de joli, quelque chose simple, quelque chose d’utile…