Douze ans après l’exposition-événement DES JEUNES GENS MÖDERNES qui rendait hommage à la scène post punk et cold wave française de la fin des 70’s et du début des 80’s à la galerie du jour en 2008, Jean-François Sanz et Marc Collin mutualisent leurs discothèques respectives à l’occasion du 3ème opus de la série de compilations éponyme. A travers les 24 morceaux, raretés et inédits, sélectionnés avec soin pour ce double LP, BEATITUDE agnès b. MUSIQUE et Kwaidan Records proposent un voyage sonore rétrofuturiste à travers cette période musicale si riche, si diverse et si novatrice. Et, histoire de fêter comme il se doit le lancement de ce volume 3 tant attendu, le 1er festival DES JEUNES GENS MÖDERNES sera organisé en novembre 2020 à La Station – Gare des mines, avec un line up intergénérationnel mettant en évidence la filiation musicale et l’influence que cette scène cold wave continue d’exercer sur de nombreux artistes émergents.
Entre la fin des années 70 et le milieu des années 80 déferle sur les cendres encore fumantes du cataclysme punk une « vague froide », lame de fond quasi mondiale que l’on a qualifiée de post punk mais qui, si l’on regarde de plus près n’avait en fait qu’assez peu de rapports avec l’électrochoc sous-culturel nihiliste et radical qui a permis son émergence. Mettant à profit la méthodologie du « Do It Yourself » popularisé par les punks, certains artistes s’emparent de synthétiseurs analogiques ainsi que des 1ers modèles de boîtes à rythme et de séquenceurs, qu’ils associent souvent à des bases de formations rock plus classiques, pour donner naissance à une une musique nouvelle au sonorités proto-électroniques futuristes, nourrie de multiples références culturelles exhumées du passé qui fait la richesse historique et symbolique du vieux continent, avec une prédilection particulière pour une forme d’ironie désabusée et de romantisme noir. Une musique exhalant un fort parfum d’adolescence sur fond de crise pétrolière, de guerre froide et de menace nucléaire en fait. Et en même temps, la bande-son underground des années où les logiques implacables de l’entertainment, du fric facile et la pub commencèrent à régner en maîtres…
Cette nouvelle dynamique générationnelle se formalise tout d’abord dans la musique, sous l’influence considérable de formations tutélaires comme Kraftwerk ou Suicide, pour essaimer et se développer rapidement à travers d’autres formes d’expression contemporaines telles que le graphisme, la mode, le cinéma, la littérature, le théâtre ou la vidéo naissante, jusqu’à former un vaste mouvement d’ensemble, préfigurant avec les moyens de l’époque ce que l’on nomme aujourd’hui multimédia.
A partie de 1976, en à peine 2 ou 3 ans, des scènes post punks émergent ainsi en Angleterre, aux Etats Unis, en Allemagne, en Belgique, en Hollande, en Espagne, en Italie et même jusqu’au Brésil ou en URSS. Chacune ayant ses spécificités, ses sonorités et sa sensibilité particulières, avec aussi des dénominations différentes en fonction des pays. On parle de new wave, de no wave, de neue deutsche welle, de contra ola ou de nao wave. En France, le terme spécifique de cold wave va peu à peu s’imposer pour désigner une bonne partie de cette scène, particulièrement prolifique dans l’hexagone, qui possède elle aussi ses particularités propres, son côté « Frenchie but chic » et son identité originale – un peu, toutes proportions gardées, comme la nouvelle vague en cinéma pouvait avoir une identité typiquement française en son temps.
Seize ans après la sortie de So Young But So Cold, compilation réalisée par Marc Collin et Yvan Smagghe pour le label Tigersushi qui attestait dès 2004 d’un regain d’intérêt pour ce type de sons, et, douze ans après l’exposition-événement DES JEUNES GENS MÖDERNES qui rendait hommage à la scène post punk et cold wave française à la galerie du jour en 2008, sous le commissariat de Jean-François Sanz, agnès b. et Kwaidan s’associent pour sortir le troisième opus de la série de compilations éponyme.
Depuis son origine en 2008, ce projet protéiforme n’a cessé de rebondir à travers la tournée de l’exposition dans différentes villes, en France et à l’étranger, l’édition d’un livre, de deux compilations, de t-shirts d’artistes, ainsi que la production de deux long-métrages documentaires.
Le titre DES JEUNES GENS MÖDERNES était à la base un clin d’œil au fameux article, paru dans la nouvelle formule du magazine Actuel en février 1980, qui mettant en lumière quelques figures incontournables de la nouvelle scène rock hexagonale. Au fur et à mesure de l’évolution du projet sur plus d’une décennie, l’expression « jeunes gens modernes » s’est offerte une seconde jeunesse et est redevenue révélatrice d’un certain air du temps. Depuis lors reprise massivement dans la presse musicale (parfois à tort et à travers d’ailleurs…) et même tout récemment à travers le nom d’un nouveau festival de danse contemporaine initié par le CCNO en 2019 à Orléans, elle est devenue une sorte de « label » dont se revendiquent bon nombre de groupes et artistes émergents s’inspirant des productions issues du passé pour mieux projeter leur musique vers le futur. Un peu comme le faisaient leurs prédécesseurs des 80’s qui fantasmaient la période dorée des années 60…
Aujourd’hui, Jean-François Sanz et Marc Collin mutualisent leurs discothèques respectives pour faire partager, à travers un double LP compilant une vingtaine de pépites, une sélection pointue et éclectique de raretés de derrière les fagots ou même de morceaux totalement inédits, dénichés au fin fond de quelque obscur tiroir ou carton d’archives avec la précieuse complicité de Gilles Leguen, véritable exégète de la période et éminence grise du projet depuis sa conception.
Oscillant entre electro pop, minimal synth et ovnis sonores analogiques, la track list délaisse volontairement le côté « cold » guitare/basse/batterie pour faire la part belle à des morceaux aux sonorités plus synthétiques et maniant volontiers l’ironie et la dérision – histoire, pour boucler la boucle de cette trilogie en beauté, de prendre à contre-pied les clichés éculés d’un genre musical qui a souvent eu tendance à se prendre un peu trop au sérieux, quitte parfois à verser (involontairement le plus souvent…) dans la caricature et l’auto-parodie.
Le tout avec bien sûr, comme le veut la tradition, une pochette qui claque, de l’icono vintage et des notes de pochettes chiadées.
Bref, LA compilation de référence ultime (à tous les sens du terme!) en matière de proto electro et de cold wave française qui fera regretter à certains de ne pas avoir eu 20 ans en 1980, et à d’autres de ne pas avoir entendu ces morceaux à l’époque. Heureusement, il n’est jamais trop tard pour découvrir de la bonne musique MÖDERNE !