A la question « Pourquoi chanter en Anglais ? », la réponse est classique comme un morceau de Celentano: c'est l'idiome rock pop par excellence. Pour l'Italien, il n'y aurait a priori pas de questionà se poser – c'est la mélancolie faite musique. Et pourtant on la sent venir : pourquoi chanter enItalien ? Quand on s'appelle Alex Rossi et que l'Italie coule dans les veines (il vient du Veneto), çadevrait couler de source, comme le Pô.Avant d'être ce chanteur d'origine italienne, Alex Rossi chante dans sa langue maternelle. Dans lesannées 90, il signe un contrat avec Mercury, sort des disques, écrit des textes pour Axel Bauer ouDick Rivers, bref un parcours riche parce qu'impossible n'est pas français ; c'est plus tard qu'il sedécide à chanter dans sa langue... paternelle. Car comme le dit le proverbe et le label de JohnnyJewel et Mike Simonetti : Italians do it better. Les années 2000 sont les années Myspace – commeun club échangiste de musique en ligne – et c'est là que se rencontrent Alex Rossi et les futurs Aline(Romain Guerret et Arnaud Pilard) baptisés à l'époque Dondolo, un nom qui chante et danse l'Italie ;c'est un signe annonciateur. Puisqu'ils sont fans de Lucio Battisti, Matia Bazar, Pino D'Angio autantque d'italo-disco, l'idée qu'Alex chante en V.O se développe crescendo. Pendant ce temps, Rossicontinue de chanter en Français, de faire chanter en Français et en particulier des femmes (GraziellaDe Michele, la créatrice de mode Inès Olympe Mercadal) avec la complicité du compositeurDominique Pascaud. Il collabore aussi avec le compositeur et réalisateur Frédéric Lo, fonde lecollectif situationniste Ballu avec le journaliste et écrivain Arnaud Viviant. En 2013, sortL'UltimaCanzone. A cette période, la pop italienne n'offre pas des reliefs folichons, plutôt du réchauffé malproduit qui incite à recracher son Chianti. Si Aline est responsable du tubeJe bois et puis je danse,avec Alex Rossi c'est plutôt « Je parle et puis je chante » : couplets en talk-over rauque'n'roll puis –refrain – le lyrique s'envole.L'Ultima Canzone. De la radio (Nova) à la presse écrite ou web(Magic,Gonzaï,Technikart...), cette Ultima Canzone– « dernière chanson » – rencontre un succèsfou, pour paraphraser Christophe – encore un d'origine ritale. La dernière, vraiment ? Non, lamusique, c'est comme les verres de vin : un morceau en appelle un autre. Toujours accompagné deGuerret et Pilard à la réalisation, Alex s'attelle à la face B avecHo provato di tutto; Yan Wagner enfait un remix slow qui donne chaud au ventre et fait froid dans le dos. Le single sort chez Born Bad.Alex poursuit son chemin. Passionné de culture transalpine, de la pop de Battisti à la photographiede Claude Nori jusqu'aux films de Pasolini ou de Fellini (tout en i comme Rossi), il faut qu'il fasseson cinéma en musique et en Italien. Bon, Alex est seulement d'origine italienne ? Cette origine créeson originalité. Il continue alors d'enregistrer avec ses acolytes d'Aline mais aussi avec SLOVE (LaDiscoteca,Quale Follia, présents sur Le Touch chez Pschent Music), interprèteCon Questo Amoresur la bande originale duJuillet Aoûtde Diastème, fait des concerts 100% italiens, il tient la note,intègre des nouvelles chansons comme l'hymne d'espoir noctambuleDomani è un'altra notte(qu'onentend dans la série NetflixLuis Miguel). Et, en guise de rappel, il dégaineL'Ultima Canzone,comme ce qu'elle est et a toujours été, un point de départ et un point d'arrivée. La route – la strada –sera l'album. C'est un mirage devenu réalité avec la rencontre de Marc Collin, la signature chezKwaidan et le soutien d'Agnès b. Alors oui, entre-temps, une fantastique nouvelle scène pop a surgi, pas de nulle-part mais bien d'Italie : Iosonouncane, Giorgio Poi, Cosmo, Coma_Cose, Colombre, MYSS KETA, Selton, Nicolo Carnesi et plein d'autres. Alex et ses ouailles avaient quelqueslongueurs d'avance au rencard. Quand on y pense, ses chansons sont moins des cartes postalesqu'une invitation au voyage : elles ont un parfum de ruelles étroites où le soleil s'immisce, d'amitiésqu'on entend sourire fort, des mélodies du bonheur et des airs de famille chantonnés, de coups defoudre suspendus et de frivolité. En somme, tout ce qui constitue une base, la sienne, pour ne pasflancher comme une Tour de Pise. Pour mieux tenir le coup à 50 balais. Alex Rossi ne fait pas sonâge mais il fait sa maturité. « Tout me sera pardonné quand je retournerai de la terre d'où je viens »écrit John Fante, un autre d'origine italienne – décidément ! - et l'un des auteurs phares dans la nuitdu Rossi. Alex a d'ailleurs poussé la lecture performance avec son fils Dan : c'est la famiglia, lafamiglia. Mais ça, c'est quand il était un chanteur français. Une éternité. Petit, on apprend à parlerune langue ; plus grand, on apprend à chanter dans une autre – la notre. Celle de l'origine. AlexRossi l'a bien compris.